A propos de Joseph Jeph
Ainé d’une famille de cinq enfants, JEFFERSON Joseph dit Jeff Joseph est né à la Dominique, dans un village du nom de Saint-Joseph le 30 septembre 1953. Du plus loin qu’il s’en souvienne il a toujours aimé bouger, danser et surtout chanter. Sa maman Sylma raconte : Je l’ai toujours entendu chantonner, toujours, quelque soit son humeur du moment. Il reprenait des chansons que diffusait la radio ou en inventait quelques-unes. Je veillais et tenais à ce que les études soient menées à terme avant toute escapade musicale. Jeff, lui avoue que la musique l’habite depuis l’enfance. C’était sa manière de dire ses émotions, et de les partager. Une façon aussi d’enjoliver la vie, la sienne comme celle des autres…
C’est ainsi qu’à l’âge de douze ans, il commence ses premières prestations publiques en s’inscrivant dans une compétition de carnaval en Dominique qu’il remporte l’année suivante, avec une bande d’amis qui l’accompagnait au « Steel-drums ». Le gamin savait déjà bouger et méduser le public… Peut-être un don ! Allant d'un bout à l'autre de la scène sautant, dansant, en véritable faiseur d'ambiance, il savait ce que spectacle voulait dire. Le show était sa marque de fabrique. Grâce à cela, il traverse le monde depuis 1972, année où il fonde « Les Grammacks ». Ce groupe réunit à sa fondation en 1972 plusieurs amis, étudiants pour les uns à la Dominica Grammar School, à la Saint Mary' Academy pour les autres. Les musiciens de la première heure sont : (Chant : Jeff Joseph et Georges « Soul » Thomas, guitare : Anthony « Curvin » Serrant, basse : Anthony « Tepam » George, drums : Ellon « Bollo » Rodny et clavier : Mc Donald « Mckie » Prosper).
Leur musique était à base de « Calypso », « Reggae » et « Cadence » ce qu'on appela plus tard la « Cadence-lypso ». Avec le groupe, il sillonne la Dominique de bout en bout, de bals populaires en fêtes communales. Comme ses illustres ainés en variétés, les Ophélia et Gordon HENDERSON, Jeff fera mentir le proverbe qui dit que nul n’est prophète dans son pays.
La Dominique ne rate aucun de ses rendez-vous, pour danser et chalouper à satiété. Mais l’envie de voir d’autres horizons, d’autres publics, de se confronter à d’autres cultures, de s’ouvrir d’autres marchés pousse le groupe à se rendre dans l’ile voisine, la Guadeloupe.
La rencontre en studio avec le producteur et musicien guadeloupéen Henri Debs sera déterminante et bénéfique pour les « Grammacks ». Dès leur première collaboration, ils signent ensemble un premier disque 45 tours deux titres « Soleil trop chaud » et « Soucougnan ». Le titre « Soucougnan » devient très vite un tube rythmé par un calypso torride sur un texte qui image une vieille superstition locale… Jeff Joseph devient, avec ce premier microsillon, le roi du « KGV » (Kalypso à Grande Vitesse). Avec son style qui bouge, il avait une présence scénique qui ne passait jamais inaperçue. Sa maîtrise de la scène, il ne l'a pas acquise au cours de ses nombreuses tournées à travers le monde. Non, tous sont d'accord pour dire que c'était inné.
S’enchaînent une cascade de succès, de hits, des prestations aux quatre coins de la Caraïbe et de la France, avec un morceau mémorable comme « Pa dansé an ba koko sek » puis au sein de la production 3A, l’écurie de Jacky NARAYADOU (en Martinique), Jeff compose ce qui deviendra ses titres phares. Il impose sa griffe, celle s’un style harmonique qui n’appartient qu’à lui, un son appelé « Karibean Rock » hyper remuant, avec un groove saturé. C’est une alliance de « Cadence » et de « Calypso » connut sous le nom de « Cadence-lypso » qui lui permit de séduire et de conquérir les publics les plus hétéroclites.
Parmi ses compositions qui n’ont pas pris une ride mélodique citons : « Misik dou it », « Mi déba », « Ou pas bon », « Côchema », « Pawol en bouch »… Durant cette période, son célèbre tube, « Mi Déba », lui a été inspiré après un concert en Guyane dans la salle « Karfour », autrement connue sous le nom de « Polina ».
Dès les premières notes, ses cousins des Antilles, de la Caraïbe, des USA (New-York et Miami), de Hollande, de France (avec un tour de France en première partie d’Annie CORDY et des concerts sous l’égide de France Inter) succombent sous la fièvre de ses tempos. Son répertoire s’enrichit de « Bouyon », de « Reggae », de « Mérengué », de « Soca » entres autres.
Sur scène, ce qui fascine, c’est la prodigieuse énergie de Jeff, leader charismatique, interprète fougueux. Tout au long d’un concert, Jeff reste en contact permanent avec son public qu’il électrise à sa guise. Il ne s’économise jamais, se donne sans compter, passant sans répit d’un bout à l’autre des plateaux avec un certain bonheur communicatif. Des trophées « SACEM » et autres distinctions honorables (dont la médaille de la Fête de l’Indépendance de la Dominique…) viendront couronner son talent...
Le 25 novembre 1980, il épouse Sonia Marc dit La Sosso. Divorcés depuis, ils sont restés mariés 15 ans. S'ils n'ont pas eu d'enfant ensemble, ils sont restés très proches.
Et puis, un jour de l’année 1985, fatigués de parcourir le monde, les musiciens décident de rentrer au bercail ou de s’installer aux Etats-Unis et de fonder une famille. Pour Jeff, l’aventure musicale ne pouvant s’achever, c’est l’aventure en solo… En 1986, à New York où il réside, il rencontre le groupe « Kool of the Gang » avec lequel il sort en 1988, un microsillon de deux sonorités « World music », « Banana sweet » et « One, two, three », dont le clip tourné en Angleterre est l’un des plus soignés réalisés par un artiste de la Caraïbe » le hisse en haut des Hit Parade. Le succès lui colle à la peau. New-York, Miami, la Hollande, la France, la Caraïbe… Rien ne l'arrête, pas même la fin des Grammacks en 1985.
En 1990, il fait son retour en Martinique où il s’installe. Commence alors pour lui l’aventure « Volte-Face » aux côtés de Georges DECIMUS, le bassiste du groupe « Kassav’ », Dominique PANOL, Katryn THELAMON et Dominique COCO.
Pendant cinq ans, le groupe repart sur les routes du monde pour distiller la musique de la Caraïbe : « Zouk », « Bouyon », « Cadence-lypso », « Funk », « Gwo-ka ». Le groupe « Volte-face » désormais éteint, nous laisse en souvenir, 5 albums studio et 1 album live qui relatent leurs prestations entre frissons, passions et émois.
Au cours de cette même période, il rencontre celle qui partagera sa vie jusqu'à sa mort, le top model d'Yves Saint-Laurent : « Mounia » avec qui il enregistre un album en duo et deviendra son manager et producteur.
La collaboration essentielle de Jeff au sein de « Volte-Face », notamment sur les plateaux, incite le public à lui réclamer un retour des « Grammacks ». Nombreux sont ceux qui veulent se replonger dans un bain de nostalgie, dans un tourbillon de liesse, d’allégresse avec Jeff en meneur de jeu. En 1997, Jeff obtempère. Avec de jeunes musiciens férus de son répertoire et nourris par l'âme de la première formation, il crée « Grammacks New Géneration ». Deux albums avec « Grammacks New Géneration » et un opus en solo fraîchement sorti témoignent de son éternelle vivacité...
Grâce à l’impulsion donnée par lui, la Dominique a instauré chaque 28 octobre la «Journée Internationale du Créole» et a mis sur pied le «Festival Mondial de Musique Créole» qui, chaque année, attire des dizaines de milliers de visiteurs, prouvant s’il en était besoin que le développement touristique de nos îles doit s’appuyer sur notre culture et non sur les seules plages ou la forêt préservée comme en Dominique. La formation est l’invitée régulière du « Festival Créole de la Dominique » et de temps à autre, se rend au « Festival de jazz de Sainte-Lucie et de Saint-Martin ». Qu’en est-il aujourd’hui de Jeff Joseph et de sa « Cadence-lypso » ? Le chanteur a gardé sa verve, son sens du rythme, son allant, son punch et sa capacité phénoménale à soulever les foules. Pour Jeff Joseph, la musique est un plaisir, le public un ami fidèle avec lequel il aime à partager et échanger.
Depuis, Jeff Joseph accompagné de son groupe sillonnait le monde pour faire découvrir et danser le public sur la « Cadence-lypso ».
Malheureusement, il décède le mercredi 23 novembre 2011 à l’âge 58 ans à l’hôpital Pierre Zobda-Quitman de la Meynard en Martinique, où il était entré en urgence suite à un accident vasculaire cérébral. Il a donc tiré sa révérence. Frappé, paraît-il, par ce mal, « l’attaque cardio-vasculaire » qui devient si fréquent dans nos pays qu’on en vient à se poser des questions sur notre mode de vie et surtout notre alimentation et forcément à les remettre en cause. Encore que dans le cas de Jeff, il y ait aussi la vie de ces artistes internationalement reconnus qui passent la moitié de leur vie dans les avions. Jeff est parti, mais sa voix demeure. Elle continuera longtemps à nous enchanter. Comme celle de Paulo Rosine ou de Patrick Saint-Eloi. Ces voix sont des dissipatrices de ténèbres. Des enchanteurs de vie. Des adoucisseurs de soucis. Sa contribution au développement de la musique créole et « Cadence-lypso » est particulièrement plus phénoménale. Ses talents, son dévouement et la persévérance ont produit des chansons à succès légendaires sur une période de trois décennies. Nous savons qu'il a consacré toute sa vie à la musique. Par le biais de sa musique, qu'il a promu love, de convivialité, de l'unité Caraïbe tout en restant fidèle à sa culture dominicaine », dit-elle. Jeff Joseph a eu des funérailles nationales. Le gouvernement a décrété jour de deuil national, le jour de ses obsèques. Le drapeau de la Dominique, était en berne sur tous les bâtiments publics le jour de la cérémonie funèbre. Jeff a été inhumé dans à la Dominique dans son village natal de Saint-Joseph le samedi 25 novembre 2011.
Jeff devait se produire à Matoury en Guyane Française, pour le « Drépa Hope Festival », concert de solidarité en faveur des malades de la drépanocytose. Il aurait fêté, en 2012, quarante années de carrière. Quarante longues années de musique, de scène, d'amour du public, de chansons qui ont toutes traversé les générations, sans prendre de rides, mais le destin en a décidé autrement.
Source : Texte de Philippe Pilotin
Autre source video : Culture Box
